Samedi 21 JUIN 2014 : journée de valorisation de la recherche en travail social à Paris 19e – lieu : Institut Saint Honoré 44 rue de Romainville
Intervenant : Stéphane RULLAC, responsable du pôle recherche et coordinateur du CERA pour BUC Ressources, autour de son HDR : « Les enjeux de l’intégration du développement de la recherche dans les écoles de formation professionnelle du travail social : enjeux épistémologiques, institutionnels et identitaires ».
Sa contribution aux travaux d’AFFUTS sur la posture de praticien-chercheur porte sur le questionnement suivant :
« Quelques enjeux de scientifisation du travail social : HDR, recherche en travail social et disciplinarisation »
La préparation d’une HDR est toujours un moment symbolique pour un chercheur, dans la mesure où elle vient marquer la reconnaissance d’un « haut niveau scientifique », comme le définit le texte juridique de référence (arrêté du 19 février 1987). Quand l’objet du mémoire s’intéresse directement à des questions de « scientifisation » du travail, ce diplôme dépasse les intérêts d’un individu et peut aussi concerner symboliquement une forme de reconnaissance du travail social, non plus comme objet mais aussi comme sujet scientifique.
Dès lors, le récit de l’obtention de ce diplôme est un sujet en soi qui peut illustrer les enjeux, parfois houleux, qui accompagnent cette négociation scientifique pour un champ professionnel historiquement assigné à sa praticité. Au-delà de ce retour réflexif, mon intervention portera aussi sur quelques définitions indispensables pour accompagner ce processus, telles que la « scientifisation », la « disciplinarisation » et « l’académisation ». Ces préalables permettent enfin d’entrer dans le vif du sujet qui s’articule avec la Conférence de consensus co-organisée entre 2012 et 2014 par le CNAM et l’UNAFORIS, dont le rapport du jury a clairement évoqué la recherche en travail social et la perspective de constituer un champ disciplinaire spécifique.
Nous reviendrons sur la recherche en travail comme une tentative historique de constitution d’un paradigme scientifique, qui a pour le moment partiellement échoué à être reconnue en tant que tel par la communauté professionnelle et scientifique. Cet échec peut notamment se lire dans les conclusions de la Conférence qui prônent l’abandon de cette référence qui est assimilée à une idéologie clivante. En tournant le dos à son histoire, la « scientifisation » du travail social ne pourra pas se construire sur les bases solides dont elle a besoin. C’est en partie pour éviter ce piège du déni que je plaide pour la reconnaissance pleine et entière du paradigme de la recherche en travail social, y compris pour la critiquer d’un point de vue épistémologique si nécessaire.
Nous reviendrons enfin sur la perspective évoquée de la discipline, en développant une réflexion des enjeux de la constitution d’une discipline universitaire travail social, au regard d’une sociologie de ce processus, à la fois d’un point de vue épistémologique et institutionnelle. A cet égard, je plaiderai pour une forme d’incompatibilité entre cette référence universitaire, l’histoire de l’appareil de formation des écoles professionnelles du travail social et le projet des Hautes Ecoles aujourd’hui mobilisé par l’UNAFORIS. Là-encore, il s’agit de tenter de consolider des perspectives de « scientifisation » du travail social, au regard d’une réflexion rigoureuse qui tente de faire la chasse aux enjeux idéologiques des acteurs ; posture qui est aussi la mienne par ailleurs.
Cette HDR a donc été une tentative de sortir d’une recherche de démonstration pour mieux établir une posture de questionnement, si ce n’est neutre au moins distanciée, alors que mes propres intérêts professionnels dépendent des processus qui sont ici étudiés. En ce faisant, j’invite le collectif des chercheurs qui développent de la science adossée au travail social à suivre la piste d’une « scientifisation » sur objet, susceptible de constituer à terme une science ou des sciences du travail social, à défaut de le réclamer a priori.
Débat animé par Emmanuel Jovelin